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XXIIIe Etats généraux d’ELCS

Jean-Luc ROMERO-MICHEL,

Président d’Élus Locaux Contre le Sida (ELCS)

Merci à Christophe d’avoir animé ces États généraux et merci surtout pour ce qu’il a apporté à la lutte contre le sida car, au-delà de l’urbaniste que nous connaissons, il est ce grand militant, ce Président d’Act Up qui a fait bouger les lignes sans agresser les autres. Je souhaite donc le remercier d’être toujours à nos côtés pour tous nos combats pour l’égalité.

Madame la ministre,

Madame l’adjointe à la maire,

Chers amis,

Évidemment, vous imaginez l’émotion que j’ai eue toute cet après-midi et particulièrement maintenant, en conclusion de ces 23èmes États généraux, en pensant à Christophe MICHEL-ROMERO, qui les a organisés ces 11 dernières années. Vous imaginez à quel point c’est difficile et je vous remercie pour tous vos témoignages. Tout à l’heure, Philippe LOHÉAC nous dira quelques mots sur lui.

Permettez-moi de remercier particulièrement Anne HIDALGO et son adjointe Anne SOUYRIS pour la mobilisation de la ville contre le sida qui est exemplaire notamment grâce à Vers Paris sans sida que mène Ève PLENEL et que je remercie aussi pour son intervention ce soir.

Merci également à Jean SPIRI, qui fait aussi partie de ces militants qui depuis longtemps sont engagés dans la lutte contre le sida.

Bien sûr, je remercie tout particulièrement Madame la ministre d’être présente ce soir. Vraiment. Je sais qu’en cette période budgétaire, vous êtes très occupée au Parlement. Votre présence est importante dans un contexte de démobilisation de la société contre le VIH/sida. Alors qu’il n’y a jamais eu autant de gens vivant avec ce virus, cette question de santé publique est sortie des radars.

C’est bien dommage et je le dis notamment pour les élus car avec cet espoir fou, mais possible, d’un monde sans sida, c’est maintenant plus que jamais qu’il faudrait se mobiliser et tout mettre en œuvre pour parvenir à la fin du VIH/sida.

Imaginez que des générations pourraient naître sans le virus du sida ! C’est un espoir fou pour des personnes comme Christophe, Fred et moi qui pendant plus de 30 années ont connu ce virus. Pourtant, la mobilisation n’est pas à la hauteur.

Je serai court, car tout a été dit. Je reviendrai simplement sur quelques points : le soutien au développement de la politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue, la lutte contre la sérophobie, le sexisme et les LGBTQIphobies avec notre exposition et notre pétition sur change.org. Je souhaite, enfin, citer la réunion du Fonds mondial l’an prochain en France, qui suscite beaucoup d’attente et d’espoir.

Je voudrais remercier Anne pour la mobilisation de Paris pour la salle de consommation à moindres risques et ta demande, Anne, de l’ouverture d’autres salles à Paris et en Ile-de-France. Je voulais dire à quel point, à ELCS, nous soutenons cette démarche efficace pour la santé des usagers mais aussi pour la sécurité. Je n’insiste pas et je sais que tu en parleras, chère Anne, mais je voudrais rappeler à quel point certains discours pointaient les usagers de drogue comme des personnes irresponsables, alors qu’ils représentent aujourd’hui moins de 2 % des nouvelles personnes infectées. Quand on leur donne les moyens de se protéger, cela fonctionne, et ce n’est pas, contrairement à ce que certains pensent, une incitation à se droguer. Ces lieux sont extrêmement importants pour leur permettre de faire dans de bonnes conditions ce qui est pour l’instant leur choix. Les usagers de drogues sont des citoyens comme les autres.

ELCS est mobilisé depuis toujours contre les discriminations : rappelez-vous le combat que nous menons encore contre les interdictions de circulation dans le monde – une quarantaine de pays les pratiquent encore, à l’image du Qatar qui organise la prochaine coupe du monde –, celui contre l’interdiction même partielle du don au sang pour les gays ou celui lancé par ELCS sur l’interdiction des soins de conservation pour les personnes séropositives, qui a été gagné le 1er janvier 2018. Merci, Madame la ministre.

Notre combat contre la sérophobie aura cette année été particulièrement marqué par notre livre et l’exposition Portraits de vi(H)es. Cette exposition a dépassé tous nos espoirs et tourne depuis un an partout, aujourd’hui à la région Ile-de-France et ici à la mairie de Paris, dans quinze jours à l’Assemblée nationale, la semaine prochaine au Mans, à Toulouse, à Strasbourg et dans bien d’autres endroits la semaine prochaine.

Il était important de donner un visage au VIH : certains pourraient penser que c’est aujourd’hui plus facile, et nous sommes passés de la compassion dans les années 1980 à une sorte de culpabilisation. Je crois que cette exposition, loin du pathos, est au contraire pleine d’espoir et raconte très bien la réalité du VIH en 2018.

Elle a aussi permis de faire tomber des idées fausses et de donner des informations que nos concitoyens ne connaissent pas. En effet, qui sait à part les militants que dès qu’une personne est mise sous traitement, sa séropositivité devient vite indétectable, c’est-à-dire qu’elle ne peut plus infecter. On ne le sait pas assez, mais la plupart des personnes séropositives, qui connaissent leur statut et qui sont sous traitement, ne peuvent plus infecter. Ce qui fait dire non sans raison au professeur ROZENBAUM, l’un des codécouvreurs du VIH/sida, que le meilleur moyen de ne pas attraper le VIH est de… coucher avec un séropositif sous traitement et sans charge virale. Provocateur mais vrai.

Outre cette exposition et ce livre qui vont, grâce au laboratoire Gilead, continuer à vivre en 2019, nous portons actuellement la demande que la lutte contre le sexisme et les LGBTQIphobies devienne la Grande Cause Nationale 2019. Plus de 45 000 internautes ont déjà signé notre pétition sur change.org et je vous invite à en faire de même. La mairie de Paris a voté à l’unanimité de tous les groupes cette demande de cause nationale et j’espère que tous les groupes de la Région Ile-de-France feront de même.

Pourquoi une grande cause nationale ? Parce que cela donne des moyens, des campagnes gratuites dans les médias, cela fait travailler les associations ensemble et cela oblige tous les ministères, de manière transversale, à travailler sur ces thèmes. Anne HIDALGO a été la première à suivre cette demande. Depuis, des élus de tous bords, notamment Hugues RENSON qui était avec nous tout à l’heure, et nombre de personnalités ont signé. J’espère pouvoir compter sur votre soutien, Madame la ministre, même si la décision ne vous appartient pas.

Vous allez d’ailleurs avoir un dossier délicat à gérer l’année prochaine : la PMA pour toutes. Dernièrement, le Président d’un grand parti d’opposition a tenu des propos tout à fait scandaleux et je crains que certains ou certaines continuent sur cette voie. Aussi je crois qu’une année mobilisée autour de cette grande cause permettrait de moins entendre ces propos très difficiles à vivre pour les familles et qui n’ont pas leur place dans le débat, surtout quand ils viennent d’un parti qui se dit lui-même républicain. Cela permettrait aussi de faire de la pédagogie et de ne pas laisser le champ libre à ceux qui crient le plus fort mêmes s’ils sont minoritaires. Je pense sincèrement que notre société est aujourd’hui plus ouverte mais, à cause des réseaux sociaux, certains se croient nombreux.

Enfin, un grand événement aura lieu l’année prochaine : la réunion internationale du Fonds mondial qui se tiendra en France. C’est une opportunité exceptionnelle et une vitrine pour notre pays. Nous attendons que la France en profite pour s’engager fortement et renouer avec le grand discours mobilisateur que portaient les présidents CHIRAC et LULA. Je sais que nous pourrons compter sur vous, Madame la ministre.

Depuis le début de la pandémie, plus de 36 millions de personnes sont mortes du sida. Encore environ un million de personnes succombent annuellement, soit 2 500 par jour. Ces morts ne devraient plus exister. Nous sommes criminels de laisser ces personnes mourir alors que nous avons les traitements pour leur permettre au moins de survivre.

C’est donc la mobilisation citoyenne qui peut encore faire entendre à nos responsables que ce beau défi doit être gagné. Un monde sans sida, c’est possible. Il faut de la volonté politique mais cela dépend aussi de vous et de nous.

Je vous remercie.